17 novembre 2013
7
17
/11
/novembre
/2013
09:06
| Abraham Zapruder, propriétaire d'une fabrique de vêtement pour dames de Dallas, est devenu célèbre pour avoir, alors qu'il filmait le cortège présidentiel de John F. Kennedy, enregistré l'assassinat de ce dernier. Son film, probablement le film amateur le plus célèbre de tous les temps, est connu sous le nom de "film Zapruder". Il fut diffusé officieusement à partir de 1967 (projeté en public lors du procès de Clay Shaw à la Nouvelle-Orléans), et à la télévision américaine en mars 1975. |
Confisqué le jour même par le FBI
Après l'assassinat, Zapruder retourna à son bureau où un journaliste et agent des Services Secrets, Forrest Sorrels, se rendit après une heure. Il accepta de confier son film à Sorrels à condition que celui-ci soit utilisé exclusivement dans le cadre de l'enquête, car il souhaitait également vendre le film. Les deux hommes se rendirent alors à la station de télévision WFAA où Zapruder apparût moins de deux heures après l'assassinat. WFAA n'avait cependant pas la possibilité de développer le film, et celui-ci fut donc envoyé chez Eastman Kodak qui accepta de le développer immédiatement. Trois copies de "première génération" furent faites, 2 étant données aux Services Secrets, et la 3ème revenant à Zapruder.
Vendu au groupe Time Life
Le 25 novembre, Zapruder vendit le film au magazine Life pour la somme de 150 000 dollars, payable sur 6 années, tout en interdisant, dans l'accord, que l'image n°313 (z313) du film, celle qui montre l'explosion de la tête du président, soit publiée. Le premier paiement annuel de 25 000 dollars fut donné par Zapruder à la veuve de J.D. Tippit, le policier de Dallas abattu présumément par Oswald.
Au bon endroit, au bon moment
Le 22 novembre 1963, Zapruder empoigne sa caméra super 8, se poste sur un muret de Dealey Plaza et filme le passage du cortège présidentiel. Abraham Zapruder ne le sait pas encore, mais le petit home movie qu'il s'apprête à tourner deviendra le film le plus vu, le plus analysé et le plus commenté de toute l'histoire du cinéma. 26 secondes en couleur qui enregistrent l'assassinat de JFK et l'explosion plein champ du crâne du président.
Les 477 photogrammes du film muet de Zapruder deviendront l'objet d'innombrables, d'interminables gloses (Que voit-on précisément ? Le film a-t-il été trafiqué ? Amputé ? Qu'aurions-nous vu si l'on avait eu d'autres films et/ou une bande-son ?), puisque sa vision contrevient aux conclusions rendues par la Commission Warren en octobre 1964, celles d'un assassin unique (Lee Harvey Oswald), qui aurait tiré depuis le Texas Book Depositery trois balles (dont une dite « magique ») en une poignée de secondes.
A partir des quelques photogrammes que le magazine Life fait paraître au compte goutte à partir de 1964, des copies pirates qui circulent sur les campus et sous les manteaux, le film de l'assassinat de Kennedy alimente autant de théories de complot. Mais surtout, il constitue l'une des matrices formelles du cinéma américain moderne, tant dans le surgissement de la violence sur les écrans de cinéma à partir de la fin des années 60 (1968, abandon du Code Hays), dans le sentiment d'un monde qui complote, que dans la rupture du pacte de visibilité qui fondait le cinéma classique pour lequel voir c'était comprendre.
Avec le film de Zapruder, le spectateur du cinéma américain post-63 se retrouve atteint du syndrome "Blow out" : on peut voir mais ne rien comprendre, interpréter à l'envi mais ne rien saisir, ni de ce qui s'est passé, ni de la réalité qui l'a donné à voir.
L'énigme Kennedy à l'écran
Au fond, on peut distinguer dans le cinéma américain deux démarches aux visées radicalement opposées, mais toujours vivaces :
- une première qui cherche à résoudre par la fiction l'énigme Kennedy en se plaçant sur une terrain historique (voir "Executive action") ;
- et une seconde, fondée sur les vertus spéculatives de l'image cinématographique et pour laquelle investigations esthétiques et politiques se confondent.
C'est bien sûr de cette dernière veine qu'ont surgi les films les plus stimulants, à commencer par ceux de Brian De Palma : dans "Blow out", le réalisateur imagine l'existence d'un contrechamp sonore au film de Zapruder et fait de John Travolta un preneur de son enregistrant malgré lui l'assassinat d'un sénateur ; à la fin de "Phantom of the Paradise", il remet en scène la journée noire de Dallas via un assassinat en direct.