titre original | "Hustle" |
année de production | 1975 |
réalisation | Robert Aldrich |
musique | Frank De Vol |
production | Robert Aldrich |
interprétation | Burt Reynolds, Catherine Deneuve, Ben Johnson, Ernest Borgnine |
La critique de Sébastien Miguel
Un flic sentimental et particulièrement peu efficace (Burt Reynolds, touchant) tente de résoudre la mort suspecte d'une stripteaseuse. Amoureux d'une call girl de luxe (Catherine Deneuve, sensuelle), le lieutenant Gaines ne rêve que de Rome, de ses places ensoleillées et de sa dolce vita…
Plus gros échec commercial d'Aldrich. Dernier projet avec Burt Reynolds. La cité des dangers, c'est la ville du péché, de la corruption et des illusions perdues. C'est aussi un film magnifique. Des longueurs (comme souvent lorsque Aldrich se produit), des maladresses (flash-back discutables), mais un sentiment précieux fait de nostalgie et de résignation.
A travers une vaste galerie de personnages, Aldrich dépeint une humanité peu reluisante. Exploitation de la femme, corruption dans les hautes sphères, justice inefficace… Les monstres étouffent les rêves romantiques du beau couple que forment Burt Reynolds et Catherine Deneuve. La distribution (Paul Winfield, Ben Johnson, Ernest Borgnine, Eddy Albert, George Memmoli et même Robert Englund) est remarquable.
"La cité des dangers" cite La Nouvelle vague, Truffaut, Lelouch et même Aznavour. Entre deux explosions de violences étourdissantes (scènes de ménages, prise d'otage…), Aldrich affiche une mélancolie profonde et annonce, dans sa délicate peintures des rapports amoureux, son ultime film : "Deux filles au tapis".
Critique extraite du Guide des films de Jean Tulard
« Je n'ai jamais pensé que le film pourrait marcher comme un film d'aventure et d'action, car l'histoire policière est trop mince... », explique Aldrich. « Mais j'ai pensé que cela pourrait être une merveilleuse histoire d'amour à condition que la femme soit une étrangère. » De là la présence inattendue de Catherine Deneuve dans le monde d'Aldrich et un Burt Reynolds qui cesse pour une fois de jouer les machos.
La critique de Bertrand Tavernier sur son blog
Touchant et curieusement retenu, ce film a un ton, un rythme plutôt tranquille, presque méditatif. De très nombreuses scènes se déroulent dans des intérieurs, soit luxueux (l’appartement de Burt Reynolds), soit assez glauques (le bureau de Reynolds, la maison du couple Hollinger) auxquels Aldrich confère systématiquement un côté étouffant, claustrophobique. Ceci donne l’impression que le personnage de Reynolds se mure, se replie sur lui-même comme le Charlie Castle de "The big knife" (1955) se réfugie dans ses souvenirs (« Je suis l’étudiant des années 30 »). Par des moyens diamétralement opposés à ceux de "Kiss me deadly" (1955), Aldrich fait voler en éclat les conventions du genre, les subvertit de manière moins explosive, plus insidieuse. On retrouve bien sûr toute la haine et le mépris qu’il éprouve pour les hommes de pouvoir même si le ton est moins exacerbé, plus retenu : Ernest Borgnine campe un responsable policier veule, lâche. Mais ce n’est rien à côté d’Eddie Albert, son acteur fétiche, qui est là incroyable de fourberie cauteleuse *, de fausse bonhomie suintante, s’appuyant sur un fort sentiment d’impunité. "Hustle" est l’une de ses meilleures interprétations. Ben Johnson, géniale idée de distribution, est absolument formidable tout comme Catherine Deneuve, radieuse, très vivante et extrêmement touchante. C’est l’une des call girl les moins déshabillées de l’histoire du cinéma. Le scénario de Steve Shagan (qu’a-t-il écrit à part "Save the tiger" ?) très introspectif, contient des idées fortes, des répliques audacieuses ou cinglantes (« Ce pays, c’est le Guatemala avec la télévision en couleur » en phase avec la hargne aldrichienne) mais aussi une nostalgie passéiste qui ne colle pas toujours avec la rage d’Aldrich, lequel se définissait comme un homme légèrement à gauche du parti démocrate). Ce dernier dit s’être heurté plusieurs fois à Shagan qui ne voulait rien changer à son dialogue. Aldrich a réussi à imposer la nationalité européenne de la prostituée, la fin pessimiste et forte et la scène où Deneuve dit qu’elle est prête à tout arrêter si Reynolds lâche lui aussi son métier ou plus exactement la manière dont il l’exerce, ce qu’il ne fait pas. Il y a d’ailleurs des maladresses de construction, sans doute à cause de cette mésentente. Détail amusant, Deneuve écoute Aznavour, entraîne Reynolds voir "Un homme et une femme", Reynolds regarde "Moby Dick" (allusion un peu appuyée).
* cauteleuse : qui manifeste à la fois de la méfiance et de la ruse
Trois raisons de revoir "La cité des dangers" : cliquer ici.
La critique d'Olivier Père : cliquer ici.
Couverture de La revue de cinéma de mai 1976